Foxconn va-t-elle redessiner l’avenir de Nissan et de l’auto japonaise ?
Foxconn accélère sur l’électrique : vers un partenariat stratégique avec Nissan et les constructeurs japonais
Tokyo. Le géant taïwanais Foxconn, surtout connu comme fournisseur d’Apple, vise une place de choix dans la révolution des véhicules électriques. En quête d’un ancrage solide au Japon, la firme multiplie les initiatives pour tisser des liens avec Nissan, Mitsubishi, Honda et d’autres acteurs clés de l’automobile nippone. Dans un contexte tendu de concurrence mondiale, cette stratégie pourrait bien rebattre les cartes.
Foxconn : une ambition affirmée dans l’industrie automobile
Derrière ses lignes de montage d’iPhone, Foxconn rêve de quatre roues. Depuis 2021, l’entreprise investit dans l’électromobilité avec un objectif clair : s’imposer comme un acteur incontournable de la voiture électrique mondiale. Trois modèles ont été dévoilés, et Foxconn espère capter 5 % du marché d’ici quelques années.
Mais contrairement à Tesla ou BYD, la marque n’ambitionne pas de vendre directement aux particuliers. Elle préfère rester dans l’ombre, en tant que sous-traitant premium pour les grands noms de l’automobile. Cette stratégie B2B s’appuie sur deux atouts majeurs : une chaîne d’approvisionnement redoutable et une capacité de production de masse éprouvée.
Cap sur le Japon, entre affinité industrielle et enjeux stratégiques
Pour Foxconn, le Japon représente bien plus qu’un marché. C’est un partenaire industriel potentiel. À Tokyo, Jun Seki – ancien de Nissan et aujourd’hui stratège chez Foxconn – vante « l’affinité naturelle » entre les méthodes de production japonaises et l’approche industrielle du groupe taïwanais.
L’entreprise a ainsi annoncé le développement de bus et microbus électriques destinés au marché japonais d’ici 2027. Une entrée en douceur mais symbolique dans un écosystème très fermé.
Nissan : un partenaire convoité mais prudent
Foxconn lorgne clairement sur Nissan. Le président du groupe, Young Liu, a tenté plusieurs approches. D’abord directe, en proposant d’entrer dans le capital du constructeur. Rejeté. Puis plus subtile, via Renault, détenteur de 35 % de Nissan. Là encore, échec : Paris a fermé la porte, refusant une opération sans l’accord explicite du partenaire japonais.
En février 2025, Liu relance : une participation reste envisageable, mais le cœur de la stratégie demeure la coopération industrielle. L’idée ? Utiliser les plateformes et savoir-faire de Foxconn pour aider Nissan à accélérer sur l’électrique.
Mitsubishi, Honda : les autres pièces du puzzle Foxconn
Loin de se limiter à Nissan, Foxconn étend ses tentacules. Un accord avec Mitsubishi est en cours de finalisation pour la production de véhicules électriques destinés à l’Océanie. Ce partenariat, encore discret, pourrait servir de modèle pour d’autres constructeurs nippons.
En 2024, Foxconn proposait déjà un partenariat quadripartite incluant Honda, Mitsubishi et Nissan. Une tentative de créer une alliance technologique transversale, à défaut de fusion. Une proposition tombée à pic après l’échec des discussions de rapprochement entre Honda et Nissan.
Pression chinoise et contre-performance japonaise
Pourquoi tant d’efforts ? Parce que le timing est favorable. Nissan accuse une chute de 90 % de ses résultats opérationnels. Son bénéfice net fond de 94 %. Honda n’est pas plus fringant. Les marques chinoises – BYD en tête – progressent rapidement en Europe, au Brésil et en Asie du Sud-Est.
Face à ces défis, une alliance avec Foxconn, riche en technologies et en capacités industrielles, devient plus séduisante qu’auparavant.
Freins politiques : Tokyo et Paris en garde-fous
Mais Foxconn dérange. En France, l’État a opposé un veto catégorique à son entrée dans Ampère, la filiale électrique de Renault. En toile de fond : des préoccupations géopolitiques et une volonté de préserver l’autonomie stratégique des fleurons industriels.
Au Japon, certains experts évoquent une manœuvre du gouvernement pour favoriser une union entre Honda et Nissan, précisément pour contrer l’influence de Foxconn. L’industrie automobile reste, pour les États, une question de souveraineté.
Foxconn, catalyseur d’un nouveau modèle industriel ?
En se plaçant comme fournisseur et médiateur plutôt que comme acheteur, Foxconn joue une partition originale. Plutôt que de déstabiliser l’écosystème japonais, le groupe tente de s’y intégrer doucement, en aidant ses partenaires à rattraper leur retard sur l’électrique.
Ce positionnement pourrait faire de Foxconn un acteur clé, non pas disruptif comme Tesla, mais structurant, comme l’a été Bosch en Europe ou Magna en Amérique du Nord.
Conclusion : Vers une redéfinition silencieuse du paysage auto nippon ?
Les ambitions de Foxconn sur le marché japonais ne sont pas qu’un pari industriel. Elles révèlent les lignes de fracture – et de recomposition – d’un secteur sous pression.
Entre alliances fragiles, menaces chinoises et barrières politiques, le groupe taïwanais avance avec méthode. Sans précipitation, mais avec constance.
Le Japon cèdera-t-il à cette approche coopérative ou renforcera-t-il son instinct de protection nationale ?
La réponse pourrait bien conditionner l’avenir de toute une industrie.
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mercredi
2025, 09 avril, 17:53